mardi 9 octobre 2007

Che Guevara #4

Vu sur le Webzine de Thucydide

Il y a quarante ans, le 9 octobre 1967, Che Guevara était tué par les Boliviens. Ce communiste convaincu est resté, et reste encore, un mythe et un symbole, idole d’une partie de la jeunesse d’hier et d’aujourd’hui. L’image du révolutionnaire luttant contre l’impérialisme américain et pour les faibles. Malheureusement, cette image stéréotypée ne résiste pas à l’examen intégral de son itinéraire : car il fut aussi un criminel, un artisan du régime totalitaire et le responsable du désastre économique cubain.


Ernesto Guevara est né au sein d’une famille bourgeoise le 14 juin 1928 en Argentine, à Rosario, au nord-ouest de Buenos Aires. Asthmatique, il défie son handicap en pratiquant beaucoup de sports : football, rugby, ping-pong, cyclisme… Ernesto se montre aussi un très grand lecteur, dévorant en particulier les récits de voyage.

« Je participerai à la prochaine révolte armée »

En 1948, Ernesto Guevara commence ses études de médecine. En 1950, il se lance dans un voyage à travers l’Argentine avec une bicyclette à moteur. À cette occasion, il soigne des métis indiens et des lépreux. Il entre au contact du petit peuple. De décembre 1951 à juillet 1952, il effectue un deuxième périple, cette fois dans toute l’Amérique latine, avec son ami médecin, Alberto Granado : il traverse le Chili, le Pérou, la Colombie et le Venezuela. Sa révolte contre l’injustice grandit. Enfin, un troisième voyage, encore à l’échelle du continent, après l’obtention de son diplôme de médecin, confirme sa prise de conscience. De juillet 1953 à 1954, il chemine en Bolivie, au Pérou, au Costa Rica, en Équateur et au Guatemala, où il assiste au renversement du président Arbenz le 17 juin 1954. Cet événement lui fait dire : « Quoi qu’il arrive, je participerai à la prochaine révolte armée. »
Imprégné de marxisme, anticapitaliste et antiaméricain – il dénoncera toute sa vie l’impérialisme américain –, le Che – ainsi que l’ont surnommé des exilés cubains qu’il a rencontrés en 1953 [1] – est animé par la passion de la révolution, de la lutte armée. En 1955 a lieu une rencontre décisive : il fait la connaissance du Cubain Fidel Castro à Mexico. Ce dernier venait alors de lancer le Mouvement du 26 Juillet – ou M26-7 – en mémoire aux événements du 26 juillet 1953.
Le 10 mars 1952, à Cuba, avait eu lieu un coup d’État du général Batista qui instaura une dictature sur l’île. Le 26 juillet de l’année suivante, des opposants au régime, menés par Fidel Castro, se soulevèrent et tentèrent de renverser la dictature en attaquant la caserne de la Moncada. Ce fut un échec et Castro, comme d’autres, furent contraints à l’exil.

C’est au Mexique, donc, que Guevara entre dans le Mouvement du 26 Juillet et s’entraîne avec ses troupes. Et, le 25 novembre 1956, il s’embarque, avec Fidel Castro et 80 autres rebelles, sur un bateau, la Granma, qui doit voguer jusqu’à Cuba. Les membres du M26-7 opèrent un débarquement clandestin catastrophique le 2 décembre, dans des marais, près de Los Coloradas. Leur arrivée avait été prévue pour le 30 novembre et c’est ce jour-là que les hommes du M26-7 restés à Cuba se sont soulevés, à Santiago. L’insurrection s’est soldée par un échec.
De leur côté, les 82 rebelles venus du Mexique se réfugient dans la sierra Maestra où, à partir de 1957, ils mènent la guérilla. Dès juillet, Che Guevara est promu commandant et devient responsable d’une colonne de l’Armée rebelle, ex-Mouvement du 26 Juillet. Pendant ces années de guérilla, le Che créé un journal, Cubano libre, une radio, Radio Rebelde, et une école destinée à former les futurs guerilleros. Durant cette période, Che Guevara fait aussi assassiner, ou exécute lui-même, des dizaines de personnes. À la fin de 1958, il prend la ville de Santa Clara, un point décisif sur la route menant à la capitale. Le 8 janvier 1959, La Havane est prise et Castro y fait une entrée triomphale.

Che Guevara fonde les premiers camps de concentration à Cuba

Dès lors, le Che participe activement à l’instauration d’un régime socialiste à Cuba en introduisant le modèle soviétique sur l’île. Ce « partisan de l’autoritarisme à tout crin », selon les mots de Régis Debray dans Loués soient nos seigneurs, embrigade la jeunesse : sont ainsi créées, le 8 janvier 1960, les Associations de la jeunesse rebelle. Surtout, Che Guevara est responsable de l’exécution sommaire de très nombreuses personnes dans la mesure où il est chargé de juger, condamner et exécuter les opposants. C’est lui qui instaure les premiers camps de concentration dits « correctifs » ou de « rééducation » à partir de 1960, équivalents tropicaux du Goulag soviétique ou du Laogaï chinois. Comme exemple, on peut citer le camp de travail de Guanahacabibes. Le révolutionnaire est devenu homme d’État.

Ayant reçu la nationalité cubaine le 10 février 1959, Che Guevara est nommé par Fidel Castro ambassadeur plénipotentiaire. Il part le 12 juin 1959 en tournée à l’étranger afin de faire connaître la révolution cubaine. Il est reçu en Égypte du 12 au 19 juin. En Inde, du 30 juin au 12 juillet, Che Guevara en profite notamment pour rejeter le principe de non-violence prêché par Gandhi comme moteur de la politique sociale, et pour demander, mais en vain, à acheter des armes. Du 15 au 29 juillet, il est au Japon où, impressionné par le dynamisme industriel, il nourrit les mêmes projets pour Cuba. Puis le Che visite l’Indonésie, du 24 juillet au 4 août, et la Yougoslavie qui, comme l’Inde, refuse de lui vendre des armes. Le Che est de retour à La Havane le 8 septembre.
C’est ensuite que Guevara exerce des fonctions dans le domaine économique, domaine dans lequel il est totalement incompétent, dépourvu des notions les plus élémentaires. Le 7 octobre 1959, il est nommé par Castro chef de la section Industrie de l’INRA, Institut national de la Réforme agraire. L’idée de Che Guevara est de tout planifier, tout nationaliser et même de supprimer l’argent, qu’il a en horreur.

Le 26 novembre, il devient président de la Banque centrale. Le 10 décembre, il décrète la mort du latifundisme, c’est-à-dire des grandes propriétés foncières. Les compagnies étrangères sont nationalisées. Le 24 juin 1960, il procède à la nationalisation des raffineries de pétrole étrangères. Le 24 janvier 1961, Castro le nomme ministre de l’Industrie. Guevara lance un plan quinquennal visant à développer une industrie lourde et légère. Enfin, le 5 septembre 1961, il devient ministre du Travail.
La collectivisation des terres, le quadrillage de la population et la réduction des contre-pouvoirs suscitent une exaspération de la population. C’est ainsi, qu’entre-temps, Che Guevara, avec Fidel Castro, fonde, en septembre 1960, les Comités de défense de la révolution, les CDR.

Les résultats de l’économie socialiste instaurée par Guevara ne se font pas attendre et se révèlent catastrophiques. La productivité chute. Les secteurs de la production sont victimes de décisions contradictoires et mal adaptées. Les usines sont de mauvaise qualité. Une économie de pénurie se met en place, aboutissant à des situations aberrantes : ainsi, les immeubles de plus de quatre étages sont interdits car les ascenseurs font défaut. Surtout, cette économie va de pair avec un renforcement de la répression car le 13 mars 1963, la peine de mort est rétablie pour un certain nombre de crimes, et notamment des crimes de nature économique. Les récalcitrants sont envoyés en camp de travail.

Son but : créer l’homme nouveau

Ce désastre économique provoqué, ainsi que les crimes commis, répondent à un but bien précis de la part de Guevara : son idée est de créer un « homme nouveau », une société idéale. N’a-t-il pas déclaré : « Il faut changer l’homme pour changer la société » ? Selon lui, l’homme nouveau doit se couler dans le moule qui va l’aider à faire table rase d’un passé aliénant. Ce moule se traduit, très concrètement, par ces fameux camps dits de « rééducation » ou « correctifs », destinés à remettre dans le droit chemin, en quelque sorte, les déviants. Car Guevara est obsédé par les déviances contre-révolutionnaires. Ce qui est logique, pour ce passionné de la révolution.

Pas seulement révolutionnaire dans les actes, il est aussi théoricien de la révolution. Il a véhiculé ses idées dans plusieurs ouvrages. Il est en quelque sorte l’équivalent de Lénine en Amérique latine. En 1960, il publie La Guerre de guérilla. Il explique que la force populaire peut gagner contre une armée régulière, qu’il ne faut pas attendre que les conditions pour une révolution soient réunies pour agir et qu’un foyer de rébellion peut lui-même les créer, et enfin que le terrain fondamental de la guérilla, en Amérique latine, est la campagne.

Dans ses Souvenirs de la guerre révolutionnaires, publiés en 1964, Che Guevara relate ses aventures dans la Sierra maestra. Il publie également en 1966 Le socialisme et l’homme à Cuba et rédigera, quand il sera en Bolivie, un journal qui sera publié après sa mort, en 1968, sous le titre Journal de Bolivie. Dans ces livres, on retrouve l’idée de Lénine selon laquelle la violence est nécessaire – c’est pourquoi Guevara s’était opposé à la non-violence de Gandhi – et que le but du socialisme est de créer un homme nouveau.

En 1965, Guevara quitte Cuba pour le Congo avec 150 soldats cubains où il entend former des guerilleros africains. C’est un échec et il retourne à La Havane en 1966. Fin 1966 cependant, il entre en Bolivie pour y créer un centre de formation de guerilleros venus de toute l’Amérique latine. La Bolivie est, pour cela, un pays stratégique car il possède des frontières avec cinq États différents : le Chili, le Pérou, le Brésil, le Paraguay et l’Argentine. Dès son arrivée en Bolivie, le Che prend le maquis.
Mais, lâché par le Parti communiste bolivien et n’ayant plus de contact radio possible avec La Havane, la situation devient difficile. À partir de février 1967, il explore, avec sa troupe d’une trentaine d’hommes, la zone où il est implanté, le Ñancahuazu. Les guerilleros sont repérés en mars 1967 par l’armée bolivienne qui se mobilise et reçoit de l’aide de la CIA. Le 8 octobre, le Che est capturé. Le lendemain, il est exécuté sur ordre du président bolivien et contre l’avis de la CIA qui aurait voulu l’interroger.

Aujourd’hui, les personnes portant sacs ou T-shirts à l’effigie de Che Guevara ne sont pas rares. Dans certaines manifestations, sa mémoire est vivace. Ainsi, lors de la Fête de l’Humanité du 11 septembre 1994, un drapeau rouge flanqué du visage du Che flottait parmi la foule. Déjà en mai 1968, la jeunesse étudiante avait placardé la photo de Guevara, à côté de celles de Lénine et Trotski. Che Guevara reste un mythe et un symbole pour toute une jeunesse d’extrême gauche qui ne voit en lui qu’un révolutionnaire romantique. Et qui préfère oublier le criminel qu’il fut.

Bibliographie :

BATAILLON, G., « Che Guevara, guerillero, saint et martyr », in L’Histoire, juillet-août 2007, n° 322, pp. 92-95.
MATOS, H., Et la nuit est tombée. De la révolution victorieuse aux bagnes cubains, Les Belles-Lettres, 2006.
VAYSSIÈRE, P., « Che Guevara : la face cachée d’un guerillero romantique », in L’Histoire, octobre 1997, n° 214, pp. 6-8.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Quand ils sont mort c'est toujours des stars...Si il était vivant il aurait plein de proces ou meme pourrait etre en prison, ou alors dictateur...lol

Contactez moi : antico0911@yahoo.fr